La ligne du Livradois-Forez revient de loin grâce à la ténacité des acteurs locaux. Année après année, km par km, les collectivités riveraines ont acquis les 150 km du double ruban métallique interdépartemental, ses solides traverses et ses nombreux ouvrages.

Carte de situation

Aujourd’hui, la ligne constitue un bel ensemble, reliant Pont-de-Dore (commune de Peschadoires dans le Puy-de-Dôme) à Darsac (commune de Vernassal en Haute-Loire) puis Estivareilles (Loire) à la Chaise-Dieu (Haute-Loire via Sembadel, ancienne étoile ferroviaire).

Disposant d’une voie unique à écartement standard (1,435 m) et non électrifiée, la ligne ferroviaire de la Dore et du Forez n’a jamais été une ligne rapide mais plutôt « slow », vu le profil des courbes et des pentes. La ligne possède près de 150 ouvrages d’art, pont-rail, tunnels, viaducs et murs de soutènement. Un joyau patrimonial et architectural. Le matériel roulant aujourd’hui ne peut dépasser les 40km/heure (parfois moins selon la vétusté), baissant de moitié sa vitesse commerciale d’antan.


Pour revisiter l’histoire du rail du Livradois-Forez, il faudrait voyager en cette fin du XIXème siècle vers 1870/1880 où la compagnie PLM (Compagnie des chemins de fer de Paris à Lyon et à la Méditerranée, créé en 1857 et nationalisée en 1938) obtenait morceau par morceau la concession de la ligne de Saint-Germain-des-Fossés à Darsac, reliant ainsi Vichy au Puy-en-Velay.

Ce sont des années décisives pour bâtir un solide réseau au cœur de l’Auvergne et du Massif Central, soit un héritage de plus d’une centaine d’ouvrages grâce au plan Freycinet.

Tunnels, ponts (rail et route) et viaducs suivent le fil de la Dore, relevant d’impressionnants défis techniques face à une géologie capricieuse et une altitude aussi souveraine que pentue. La voie Arlanc-Sembadel va s’élever de 500 m en quelques dizaines de km, pour culminer à plus de 1000
m jusqu’à Sembadel. Rappelons que le rail était né en France pour rattraper le retard de l’industrialisation du pays au regard de l’avance anglaise.

Dans le Livradois-Forez, une ligne de montagne est véritablement née, colonne vertébrale structurante, suscitant ouverture au monde et espoirs de développement à l’aube d’un XXème siècle prometteur pour l’économie locale. Ici, on trouvera des débouchés aux produits agricoles mais c’est surtout le bois qui en bénéficia, faisant de la gare de Saint-Alyre une des plus importantes gares de transport de bois en 1920.

En reprenant l’héritage ferroviaire, la Société Nationale des Chemins de Fer exploitait un service public d’aménagement du territoire jusqu’à en sonner le glas pour cause de non rentabilité : fin du trafic voyageur en 1980 et arrêt du fret en 1988 pour les gares du nord du territoire (Pont-de-Dore, Giroux, Ambert). Celles du sud, Arlanc, Saint-Sauveur-la-Sagne, Sembadel virent leur trafic voyageur arrêté en 1971 et le fret suivra en 1974. Les gares fermaient donc les unes après les autres, remplacées par le car et de plus en plus par les voitures individuelles.

Schéma du traffic ferroviaire en Livradois-Forez

Pour le fret, c’est une autre histoire qui redémarre lorsque la SNCF décide en 1987 d’interrompre tout trafic entre Courpière et Arlanc. Au regard d’un réseau routier autrefois défaillant et à la demande insistante de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Thiers, c’est une courageuse association de passionnés qui releva le défi. Créée en 1979, l’association « les amis de la machine agricole et à vapeur » dite Agrivap a pour objectifs de préserver et de valoriser le matériel agricole et à vapeur. Sur plus de 1500m2, un musée présente une impressionnante collection du machinisme agricole et autres engins à vapeur dans une ancienne scierie d’Ambert dotée d’une microcentrale à vapeur qu’il a fallu rénover à son tour (usine Schrott). Depuis 2014, ce musée est animé par une nouvelle association (Mus’Energie), les bénévoles et salariés d’Agrivap se consacrant aux activités ferroviaires.

En 1986, la création du Parc naturel régional Livradois-Forez, va donner un énorme coup de pouce à l’association pour son projet d’autorail. L’opération se fait assez rapidement par l’achat et la restauration du train panoramique dont la première saison estivale inaugure plus de trente ans de développement touristique. Depuis l’importance de la voie n’a jamais quitté la ligne de mire des décideurs du Livradois-Forez (Parc et intercommunalités) tant au niveau de la charte, des projets de territoire que des programmes de financement mis en oeuvre.

Après un siècle de gestion entre PLM et SNCF (1880/1980), c’est au tour des collectivités de prendre le relais, solidairement. Cette première volonté combinée entre collectivités, entreprises et associations va tordre le cou au fatalisme qui sévit dans toute la France.

Le cas de la ligne du Livradois-Forez est quasi-unique en France en termes d’histoire et de portage par des collectivités.